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Le président de la République va se rendre aujourd’hui à Jarnac se recueillir sur la tombe de François Mitterrand.Il est sans doute logique qu’un chef d’État rende hommage à ses prédécesseurs. Il l’a déjà fait avec De Gaulle, Pompidou, Giscard et Chirac. Les suivants étant encore là, point besoin d’hommage (même si son amitié marquée avec Sarkozy et son dédain pour Hollande sont visibles).
Dans l’hommage il y a pourtant un piège. On ne peut se réclamer de l’héritage de Blum et de Maurras en même temps. Le président actuel abuse de cela et en vient à décevoir tout le monde.Certains diront sans doute que c’est possible puisque Mitterrand lui-même a été dans sa jeunesse d’extrême droite avant d’être le chef de l’union de la gauche. Mais la différence est temporelle. On ne peut pas l’être en même temps.Mitterrand a eu au moins le mérite de faire le chemin dans le bon sens. J’accepte le passé vichysso-résistant, le faux attentat de l’observatoire, la répression en l’Algérie parce que celui qui signait l’exécution est le même qui plus tard signera la promulgation de l’abolition de la peine de mort. Je regrette néanmoins le déni tardif et l’absence d’excuses. Le personnage a ses contradictions. Contre la Vème et le président qui a exercé le plus longtemps dans cette même République par exemple. Mais Mitterrand a su donner un espoir au peuple, fédérer la gauche, diminuer le temps de travail, construire l’Europe.
Même ses ennemis lui reconnaissent une immense culture et une intelligence rare.Son héritage est donc immense. Nous manquons de réflexion dans le paysage politique actuel. Nous manquons d’intellectuels. Tout ne peut pas être classé en « j’aime » ou « je n’aime pas ». Le débat constructif est trop souvent absent. Le débat entre Seguin et Mitterrand sur le referendum de Maastricht en 1992 avait été d’une qualité rare et sans doute impossible aujourd’hui. Le marketing et la « compol » prend trop souvent le dessus sur le projet et le dessein.
Homme érudit, c’est peut être le dernier à avoir été un réel chef d’État à temps plein. Les autres l’ont été par intermittences. Hollande l’a été lors de l’intervention au Mali et lors des attentats par exemple. La période a aussi changé. Les réseaux sociaux empêchent toute vie privée pour les dirigeants. La double vie de Mitterrand serait impossible aujourd’hui. Est-ce un mal ou un bien ? C’est ainsi. Mais quel aurait été l’impact si on avait découvert cette vie pendant son mandat et non pas à son décès ?
Ce que je veux garder de Mitterrand c’est la conviction que le Parti socialiste peut traduire les aspirations sociales en conquêtes politiques, relayer les colères pour transformer la société. C’est notre héritage. Nous devons l’assumer avec ses travers. Tout comme nous devons assumer l’héritage des successeurs.
C’est une question fondamentale à l’heure où le PS se cherche peut-être un nouveau nom. Ce qui compte aujourd’hui c’est surtout d’écrire les pages futures en proposant une alternative crédible et un chemin à la fois audacieux sans être illusoire. Une ligne de crête difficile mais nécessaire.
Frédéric Orain, 1er secrétaire fédéral de Loir-et-Cher