Monsieur le Ministre,
Je tenais à vous interpeler sur un sujet qui nous touche tous. Un sujet grave qui dépasse le cadre des clivages politiques habituels, celui du droit à mourir dans la dignité.
On meurt mal en France. Les drames judiciaires de Vincent Lambert ou de Jean Mercier ne sont pas des exceptions mais des révélateurs d’une faille grave dans la loi Léonetti. Le pays est prêt, les Français, selon le tout dernier sondage (Ifop, mars 2017), se déclarent favorables à 95% à la légalisation de l’euthanasie. Il ne faut pas attendre une unanimité qui ne viendra jamais.
La troisième loi Leonetti n’est qu’une réécriture de la loi du 22 avril 2005. Elle souffre de manquements graves. Ainsi la sédation ne peut être engagée que si le pronostic vital est engagé à très court terme. Quid de tous les cas de souffrance prolongée ? Les directives anticipées ne sont pas contraignantes. C’est le médecin aujourd’hui qui a le seul pouvoir pour juger si ces directives sont appropriées ou non. Sur quels critères ?
On ne peut se contenter aujourd’hui d’une loi qui ne permet la mort du patient que par sédation profonde. L’épuisement du corps par la sédation et l’absence d’alimentation et d’hydratation est une souffrance évitable. L’hypocrisie de cette loi est insupportable pour les patients, leur famille. Elle est une honte pour notre pays qui se voulait être un phare pour les autres en ce qui concerne les droits humains. Qui peut affirmer avec certitude que l’on ne souffre pas lors d’une sédation profonde ?
La quasi-totalité des pays qui nous entourent ont aujourd’hui acté cette mesure de bon sens. Pouvons nous permettre qu’aujourd’hui ce soit l’argent qui soit un facteur discriminant ? Que ceux qui « ont les moyens » puissent aller à l’étranger et les autres non ? Comme aux pires moments de l’absence de loi sur l’avortement ? Combien d’euthanasie active en France aujourd’hui qui se font de manière illégale ? Selon l’Institut national des études démographiques (Ined), 0,8% des 570.000 décès annuels en France sont le fait de l’administration d’un produit létal de la part des médecins. 4.560 personnes font l’objet chaque année d’une euthanasie clandestine, sans que l’on sache qui elles sont, de quoi elles souffraient et si elles en avaient fait la demande. De trop nombreuses dérives existent dans notre pays.
C’est l’absence de loi qui permet ces dérives. Soyons responsables, encadrons ces pratiques. Les prochaines affaires Lambert, Humbert, Sébire, Crevel, Salvat, Malèvre toucheront peut-être nos proches ou nous-mêmes. Ces cas ne sont pas liés à l’âge. Tout le monde peut être touché.
C’est un droit que je vous propose, pas une obligation. Chacun restera libre de décider pour lui-même par des directives anticipées ou par la confiance qu’il accordera à un proche de son choix. On ne perd pas un droit à l’accorder à un autre. Chacun pourra renoncer à ce droit s’il le souhaite.
Je suis certain que vous comprendrez l’importance de l’enjeu. Je compte sur vous pour soutenir toute initiative allant en ce sens et à prendre officiellement position pour ce droit.
Cordialement.

Frédéric Orain, Premier secrétaire fédéral de Loir et Cher