Depuis bientôt deux semaines, Parcoursup, outil mis au point pour remplacer et corriger les défauts d’APB (admission post bac) livre ses résultats. Verdict : quand, avec APB, 150 000 lycéens restaient sur le carreau, ce sont 400 000 qui n’ont reçu aucune réponse positive le premier jour. Au Ministère, on s’est voulu rassurant : les élèves ayant reçu plusieurs réponses positives allaient très vite se positionner et renoncer à leurs vœux surnuméraires pour « libérer des places » pour les malheureux.
Seulement voilà, tout ne se passe pas aussi rapidement et aussi bien que souhaité. Il y a même quelques incohérences. On ne compte plus les copies écrans postées sur Twitter comme « Vous êtes 340e sur la liste d’attente » quand la liste d’attente ne comporte que 315 places. On a appris depuis que certains établissements avaient pu pratiquer du « surbooking ». En gros, si un BTS peut accueillir 50 étudiants, mais que chaque jour, 5 étudiants admis dans la formation renoncent à y participer, l’établissement se retrouvera en déficit de recrutement. D’où la possibilité avec Parcoursup de recruter en surnombre. Un risque tout de même si le nombre d’étudiants recrutés reste au dessus de la limite fixée.
Autre point de blocage, certains lycées se retrouvent avec des pourcentages d’élèves sans aucune proposition nettement supérieurs à la moyenne nationale. Inutile de dire que ces lycées sont situés dans des zones « difficiles ». Sylvine Thomassin, maire de Bondy, a dénoncé le fait que les lycéens de banlieue soient quasiment blacklistés. La transparence est à mettre en cause ici. Si l’algorithme national a bien été rendu public, il n’en est pas de même au niveau de chaque établissement du supérieur qui ont obtenu la possibilité conserver « le secret des délibérations ». Certains tirages au sort ont même eu lieu. Un comble pour un dispositif qui était censé supprimer cette pratique, principal point de contestation dont souffrait APB. C’est également au niveau des établissements de recrutement qu’une sélection sociale peut avoir lieu. Elle peut s’observer à deux niveaux : premièrement, la lettre de motivation demandée aux candidats qui ne sera pas la même en fonction de l’aide dont ils peuvent bénéficier dans leur milieu familial. En second lieu, la tentation est grande pour les établissements recruteurs de privilégier des candidats provenant d’établissements à fort taux de réussite au baccalauréat.
Les réactions des lycéens sans aucun vœu accepté ainsi que celles de leurs professeurs ne se sont pas faites attendre : des messages de dépit sur les réseaux sociaux souvent sur un ton ironique aux assemblées générales dans les lycées les plus touchés. La réponse des autorités est apparue, quant à elle, légèrement disproportionnée avec en point d’orgue l’évacuation d’une AG au lycée Arago à Paris 12e, suivie d’arrestations et placements en garde à vue par dizaines, dont 40 lycéens mineurs. Une autre opération du même type a eu lieu vendredi devant le lycée Bergson à Paris 19e, berceau du syndicat lycéen la FIDL. Ce lycée est caractérisé par une très grande mixité sociale et est particulièrement touché par les refus de Parcoursup. On souhaiterait éteindre toute tentative de manifestation critique vis à vis du dispositif et de la loi ORE en général, qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Le contexte semble effectivement favorable pour réduire au silence les lycéens, leurs parents et les professeurs. Le chômage encore très élevé, la précarité en augmentation; un lycéen ou un étudiant d’aujourd’hui réfléchira à deux fois avant de montrer sa désapprobation. Quant à s’engager politiquement… Le gouvernement peut donc faire passer ses réformes qui accentueront les inégalités et la précarité tranquillement. Un véritable cercle vicieux.