Texte d’Orientation 2018
Bâtir ensemble un projet socialiste qui remet « l’humain au cœur pour construire aujourd’hui et inventer demain »
Introduction
Nous, sans-grades, militants, élus locaux, avons décidé de prendre la parole à l’occasion du prochain congrès. Nous le faisons malgré l’étroitesse du chemin qui s’ouvre à nous du fait de la règle de 5% de signataires du Conseil National qui introduit de facto une rente de situation aux écuries constituées.
Nous le faisons car nous voulons croire que des femmes et des hommes libres signent ce texte pour lui donner sa chance de participer au débat dont notre parti a immensément besoin. Nous le faisons au nom du droit de chaque militant à s’exprimer, au nom de l’envie des militants que nous sommes à être autre chose que des colleurs d’affiches ou des distributeurs de tracts. Et cette envie n’est pas mue par un populisme interne mais par le constat d’une évidence : si nous en sommes
collectivement là alors qu’il y a cinq ans le PS tenait en ses mains tous les leviers de la République : Élysée, Matignon, Assemblée Nationale, Sénat, Régions, Départements, Communes… c’est qu’il s’est passé des choses, que ceux d’entre nous qui détenaient des parcelles de ces leviers ont échoué collectivement. Alors nous voulons ici simplement dire notre farouche volonté de ne plus être des laissés-pour-compte ballottés dans des rivalités d’ego, des visions rétrécies sur des partis-pris
idéologiques, des pratiques de microcosme ou des jeux de courants.
Nous entendons porter une volonté et une ambition pour notre pays et notre planète, car dans le monde d’aujourd’hui et de demain tout est lié. Nous croyons cette ambition non seulement souhaitable mais encore et surtout possible.
Nous ne croyons pas que le peuple de gauche se soit dissout. Il s’est replié comme l’escargot effaré par nos querelles stériles. Stériles non pas sur le fond, les positions des uns et des autres sont respectables, mais dans la manière de les avoir exprimées. Ce qu’il nous faut reconstruire c’est une maison commune avec des pièces et un salon ; un vrai salon où on cause ! Et causer, c’est ce que nous venons faire ici.
Causer pour dire notre envie de participer activement à la construction de notre futur.
Dans 30 ans nous voulons que la France soit un pays démocratique et en paix, au sein d’une Europe démocratique et en paix, dans un monde qui aura résolu la crise des émissions de CO2 et puisera, dans le renforcement des coopérations internationales qu’il aura fallu mettre en œuvre pour y parvenir, les ressources diplomatiques nécessaires à la résolution des conflits régionaux.
Dans 30 ans, dans ce monde que nous voulons construire la France sera un pays de 75 millions d’habitants, un pays dont le bilan carbone sera à l’équilibre anthropologique, un pays dont le fonctionnement démocratique assurera et reposera sur l’implication des citoyens, un pays où chaque citoyen aura effectivement un toit et un revenu décent, un pays où chaque adulte aura un emploi, une formation rémunérée ou une retraite, un pays où l’échec scolaire aura été enrayé pour que chaque enfant ait accès indépendamment des ressources familiales à des études lui correspondant et lui assurant une insertion active dans notre société, un pays qui encouragera et garantira à chacun la liberté d’entreprendre et de créer dans le respect de celle des autres, un pays où les morts par crime ou accident auront été divisés par deux, un pays où femmes et hommes vivront réellement et librement les mêmes droits sans discrimination constatée, un pays où ceux de nos concitoyens souffrant de handicap physique ou psychique auront des solutions appropriées favorisant leur insertion sociale, un pays où chacun pourra vivre librement sa vie dans le respect de celle d’autrui quelles que soient ses convictions religieuses ou politiques, quelles que soient ses orientations sexuelles et ceci avec une égalité de droits, un pays où chacun vivant dans une grande agglomération ou un village de campagne aura accès aux soins, aux services publics, à la mobilité, à la culture et aux commerces, un pays où le sentiment de sécurité sera constaté, un pays où l’esprit de tolérance sera ressenti, un pays ouvert sur le monde et sur le progrès, un pays où chaque citoyen aura le sentiment d’appartenir à une communauté de destin et le vivra au quotidien. Ce pays n’est pas une utopie.
Ce pays est un projet, notre projet. Il ne viendra pas tout seul, et assurément pas si nous laissons faire aveuglément les marchés et les intérêts individuels des puissants.
C’est parce que ce projet ne va pas de soi qu’il doit être porté et construit pas à pas. C’est là l’ambition du Parti Socialiste que nous voulons construire ensemble.
Nous voulons un Parti Socialiste qui s’applique à lui-même ses idées de progrès et qui ne soit pas l’apanage exclusif de ses premiers de cordée. Nous voulons un Parti Socialiste qui soit un parti de militants écoutés, reconnus, actifs.
Écologie
Depuis des décennies, nous vivons à crédit en accumulant des dettes abyssales, et détruisons la planète que nos grands-parents nous ont léguée, en laissant nos petits-enfants affronter les conséquences des dérèglements climatiques. La cause en est connue, nous gaspillons les ressources naturelles : le 2 août dernier nous avions consommé ce que la planète nous autorise annuellement ; nous émettons trop de CO2 par l’usage immodéré des énergies carbonée ; nous provoquons la sixième
extinction des espèces. La conférence de Paris lors de la COP 21 a marqué un tournant majeur dans la prise de conscience mondiale et l’expression de la volonté d’agir. Le temps nous est compté si nous voulons réussir à contenir le réchauffement en deçà de 2°C. Seule l’action concomitante de tous les acteurs nous permettra d’espérer y parvenir : des États aux collectivités territoriales au travers des Plans Climat Air Énergie.
Les principales sources d’émission de CO2 sont identifiées : l’habitat, le transport, l’énergie carbonée. Les solutions passent par la rénovation de nos maisons, ce qui réduit la consommation, modère les factures de chauffage, améliore le confort et crée de l’emploi chez les artisans. Dans le domaine des transports, lessolutions passent par des véhicules électriques ou hydrogène, et l’installation de bornes
de recharge. Dans le secteur de l’énergie, il faut supprimer le charbon, réduire drastiquement toute source carbonée et développer les énergies renouvelables. Cela suppose aussi d’améliorer la performance énergétique de nos appareils.
Si la lutte contre les émissions de CO2 est une priorité absolue, la réduction des émissions de particules fines et l’éradication des perturbateurs endocriniens sont une urgence sanitaire. Il en va de même de la préservation de la biodiversité qui constitue un moyen indispensable pour freiner la sixième extinction des espèces vivantes à l’œuvre de façon accélérée, et ainsi conserver notre capacité
collective à nous adapter aux changements climatiques.
Il est plus que temps d’agir ! Nous le devons. Nous le pouvons. Pour cela, il faut un projet socialiste qui porte fort la voix de l’extrême urgence climatique sur la scène
internationale et construise pour notre pays une trajectoire exemplaire. Ce projet doit faire de la décarbonation de notre économie et de notre société la priorité absolue. Dans le secteur des transports, nous devons lancer un plan de grande ampleur de transformant sur vingt ans le parc des véhicules thermiques actuels en véhicules électriques et hydrogène. Cela suppose un soutien à l’innovation pour nos constructeurs et équipementiers. Cela implique la mise en place d’un réseau de recharge. Cela embarque une évolution des usages : voitures autonomes, applications de mobilité à la demande, intermodalité. Ceci devra inclure l’accès pour tous à la mobilité y compris en milieu rural.
S’agissant des bâtiments, nous devons concevoir un plan volontariste qui porte la rénovation des bâtiments de 1 à 3% par an afin de disposer d’ici 2050 d’un parc qui soit énergétiquement et globalement passif. Cela nécessitera la mobilisation de ressources importantes notamment à destination de celles et ceux de nos concitoyens qui ont les revenus les plus modestes.
Ces deux actions fortes sur la mobilité et les bâtiments impliquent une politique énergétique claire et constante sur les trente ans qui viennent. La France a des atouts : un Français émet 18% de moins de CO2 que la moyenne des Européens. Elle le doit à son électricité décarbonée. Il faut aller plus loin.
Nous devons totalement décarboner notre électricité et affirmer qu’elle sera notre énergie dans tous les secteurs où c’est technologiquement possible. Aujourd’hui, notre électricité est décarbonée à 95%.
Nous devons viser sous 5 ans 99% d’électricité décarbonée, et sous 10 ans 100%.
Cela implique que l’État fixe une cible 100% ENR et fusion nucléaire (quand cette technologie propre et expérimentale avec ITER sera maitrisée) et définisse un chemin par des règles claires : la suppression du charbon, la réduction forte de l’usage du pétrole, l’usage modéré du gaz (hors biogaz), le soutien puissant au développement des ENR, et pour la part restante l’usage du nucléaire de fission en
situation transitoire pour garantir la décarbonation de notre électricité.
Il convient aussi de s’assurer que les gestionnaires puissent trouver les solutions de fonctionnement des réseaux électriques qui intègrent la part croissante de l’intermittence, l’autoconsommation et la production décentralisée. L’État doit soutenir un plan de recherche ambitieux pour accélérer l’émergence des solutions tant pour les ENR, la fusion ou les réseaux électriques que sur les puits de
carbone (milieux humides, reforestation, enfouissement) car l’urgence extrême dans laquelle nous sommes requiert d’activer tout levier possible.
En parallèle, l’État doit veiller à faire du territoire national terrestre et maritime un gisement de biodiversité. Cela suppose un plan encore plus ambitieux de réduction des intrants chimiques agricoles, de préservation des espèces et de renaturation des milieux. De plus, l’État doit agir pour réduire l’émergence des pathologies cancéreuses et allergiques en accroissant son niveau d’exigence sur la santé publique, tant sur les perturbateurs endocriniens, les particules fines, que sur les différents polluants potentiellement cancérigènes qui entrent dans le cycle
des denrées alimentaires ou des produits domestiques. Enfin, il est essentiel de poursuivre sur la voie du recyclage et de déployer un vaste plan d’information,
de pédagogie et de sensibilisation pour infléchir les comportements. Car sans la prise en compte par chacun de l’équation environnementale dans ses actes, nous risquons de remplir le tonneau des Danaïdes.
Mondialisation
La question de la mondialisation est souvent mal posée. Être pour ou contre la mondialisation n’a pas de sens historique, car depuis que l’homme est homme il n’a eu de cesse que de conquérir le monde. L’homme est né de la bipédie, il y a quelques millions d’années. Nous sommes viscéralement des nomades même si nous avons forgé l’essentiel de nos codes sociaux dans la sédentarisation. Déjà à
l’époque néolithique, du temps de l’âge de bronze voilà plus de 4000 ans, les relations politiques et les échanges commerciaux sur de très longues distances régissaient le monde.
L’humanité s’est construite dans le mouvement : la conquête des espaces, des savoirs, de la liberté ou des solidarités. Rien n’est donné. Tout a été acquis ou préservé dans les luttes ou les conflits. Le monde est le théâtre violent des ambitions humaines. Son état actuel est le fruit de l’histoire où guerres et progrès scientifique ont assis les dominations tout autant que les droits et les libertés. La main mise sur les avancées technologiques par certains à certaines époques a permis des conquêtes dominatrices qui ont ouvert au pillage des matières premières et à la captation de la ressource manœuvrière, déplaçant et concentrant les richesses ; laquelle concentration a ouvert la voie à de nouveaux progrès technologiques. Et ainsi de suite jusqu’à la situation présente du monde où les deux
derniers conflits mondiaux et le désastre écologique actuel nous font comprendre la finitude du monde et nous imposent un regard lucide et ambitieux pour inventer un chemin d’avenir hors de l’impasse que nos gabegies et nos égoïsmes ont créée.
Nous n’avons plus le temps de construire demain par confrontation des itérations locales du présent et tâtonnements successifs. Les vagues inéluctables de migrations climatiques dans les décennies à venir et le terrorisme qui frappe partout appellent à des solutions concertées et coordonnées entre les nations.
Ce d’autant plus que les outils de la modernité numérique ouvrent à chacun des possibles sans frontières. Pourquoi vivre sous la menace des catastrophes climatiques locales, sous le joug des privations de liberté, sous la tutelle d’écrasantes inégalités, ou dans la violence des conflits quand ailleurs existent des pays moins troublés visibles à portée de clic ? L’être humain est doué d’intelligence et armé d’un puissant instinct de survie. Il vote aussi avec ses pieds. Confrontés à cette réalité et à son urgence, nous devons porter une vision humaniste et progressiste
de l’avenir avec la volonté ferme d’agir sans naïveté. Car les intérêts et les volontés sont et resteront divergentes. Si la mondialisation est un fait qui s’impose à nous, nous en sommes les acteurs et devons user de tous les leviers qui sont nôtres pour agir et infléchir activement l’état du monde. Pour cela il faut un projet socialiste qui porte haut et fort l’envie de construire activement un monde humaniste et progressiste régi par une multipolarité coopérative. Ce projet doit avoir comme moteur une vision humaniste et affirmer sa confiance dans le progrès contrôlé par l’éthique. Il doit revendiquer la pluralité comme une richesse et un point d’équilibre.
Pour ce faire nous devons nous appuyer sur nos atouts stratégiques, et la France n’en manque pas. Nous sommes la cinquième puissance économique mondiale et l’un des rares États à détenir l’arme de dissuasion, cela nous donne une responsabilité dans le concert des nations. Nous sommes, et de loin, la deuxième puissance maritime, quasiment à jeu égal avec les USA. Notre langue est l’une des trois langues qui seront les plus parlées dans les décennies à venir. Ces deux atouts sont insuffisamment
intégrés à notre stratégie. Nous disposons d’un rayonnement moral, culturel et touristique qui fait de notre pays la première destination mondiale. Nous avons un système de protection social qui a certes un coût mais constitue un avantage indéniable pour notre démographie et notre cohésion sociale.
Ne nous y trompons pas, la mondialisation est une compétition des territoires où l’angélisme n’a pas sa place et où il faut être fort et puissant pour se faire respecter et peser sur les orientations du monde. La responsabilité d’un État est de protéger ses concitoyens et notre projet politique se doit de garantir pour chaque Française et Français une protection optimale. Cela passe par une France qui a les moyens
d’une parole juste et forte.
La première des forces que notre projet socialiste doit insuffler à notre pays est celle de son économie. Pour ce faire notre projet socialiste doit affirmer clairement trois grands principes économiques. Le premier affirme que l’entreprise est un vrai lieu de création de richesses : des salaires pour nourrir chaque famille, un retour sur investissement, et la valeur des outils ou services qui sont produits. C’est
également de la richesse pour le territoire où l’entreprise est implantée, au travers du pouvoir d’achat et des multiples liens noués localement, et nationalement par sa contribution au financement de l’action publique.
Le deuxième énonce que les acteurs économiques ont besoin pour agir tout autant de liberté que de règles claires et pérennes. Le rôle de l’État dans une économie moderne n’est pas son interventionnisme tatillon mais sa capacité à fixer des règles qui corrigent les biais erratiques et inégalitaires du marché et fixent des orientations lisibles. Si voilà vingt-cinq ans les États s’étaient mis d’accord pour fixer un prix – fût-il infime – au CO2, nous n’en serions pas là. L’intervention de l’État doit se faire sur le territoire national et au niveau européen pour harmoniser les politiques fiscales et combattre sans faiblesse les paradis fiscaux. Nous avons la chance de vivre au sein de l’Union Européenne dans le premier marché mondial, et nous n’utilisons pas suffisamment cette force pour peser à l’OMC ou dans d’autres instances internationales.
Le troisième rappelle qu’une entreprise, ce n’est pas qu’un outil de production : c’est avant tout une communauté d’hommes et de femmes qui travaillent ensemble. L’économie n’est pas une finalité en soi mais un outil au service de l’humain. Nous devons contribuer à infléchir les critères d’appréciation des entreprises où les critères financiers ne peuvent plus tenir lieu de seule boussole. Il faut amplifier
la prise en compte de la responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise. A la stricte rentabilité, nous devons adjoindre la vivabilité, la durabilité, l’utilité. Il convient d’évaluer tout projet à l’aune de la création de valeur humaine, économique et environnementale.
Cette force de l’économie française, nous devons l’appuyer sur nos atouts industriels et nos secteurs d’excellence où nous avons des entreprises capables de se battre à l’échelle mondiale : les transports, l’énergie, le tourisme, le luxe, la gastronomie, l’informatique, la construction, la banque, les assurances, l’alimentation, la santé. Nous devons également l’appuyer sur un tissu dense d’ETI, PME-PMI, nous souffrons en France d’insuffisamment d’entreprises de taille intermédiaire implantées sur un territoire et l’irriguant en emplois. Il nous faut des agriculteurs, des artisans, des commerçants, des créateurs d’entreprises, des startupers. Pour ce faire et peser dans la compétition internationale, il nous faut apprendre collectivement à chasser en meute. C’est l’une des conditions nécessaires au redressement de notre balance commerciale fortement déficitaire. Le rôle de l’État est essentiel, il doit
passer du mode de l’injonction à celui de l’animation pour que grands groupes, ETI, PME-PMI et le monde académique travaillent ensemble. Nous devons fonctionner en réseau et en complémentarité.
Il est une autre force sur laquelle notre pays doit s’appuyer, sa capacité militaire. Nous sommes une puissance de premier plan. Nous devons conforter nos forces de défense. Le monde est complexe, les théâtres de conflits nombreux – certains récents, d’autres fort anciens et qui ne trouvent pas d’issue.
Le terrorisme gangrène de nombreux pays et ses frappes n’épargnent personne. Cette violence est lointaine et proche à la fois. Elle nous frappe au cœur de nos vies, jusqu’ici au travers de nos amis et connaissances, victimes d’attentats. Vivre en sécurité est un droit pour chacun d’entre nous. Cela suppose d’accepter de consacrer annuellement, et dans le cadre de programmes d’équipement pluriannuels, les moyens de faire vivre nos forces armées, dans le respect des femmes et des hommes qui engagent leurs vies pour protéger la nôtre. Il nous faut veiller à la capacité de nos armées à se projeter sur des champs d’opération extérieurs, car aller là-bas peut dans nombre de cas se révéler indispensable au maintien direct ou indirect de notre sécurité ici. Nous devons pouvoir compter sur nos forces de police et de gendarmerie, avec des effectifs adaptés au niveau des risques d’insécurité et de terrorisme, formées aux réalités des menaces, respectueuses de chaque citoyen dont les droits doivent être clairement protégés. Il nous faut poursuivre et amplifier la prévention, notamment au travers d’une police de proximité pour assurer la sécurité quotidienne par l’écoute et le dialogue.
Nous devons affirmer notre volonté de réduction des arsenaux nucléaires de par le monde, sans baisser notre garde. Tant qu’un seul pays disposera de l’arme nucléaire, la France doit entretenir et moderniser son arme de dissuasion à un niveau adapté à la menace et nécessaire à sa crédibilité. Nous devons conforter notre représentation diplomatique pour peser dans les instances internationales et notamment intensifier notre capacité à infléchir les règles et les normes derrière lesquelles se cache une véritable compétition économique voire culturelle.
Les profils de la menace sont multiples, au terrorisme s’ajoutent la délinquance financière en col blanc et les piratages informatiques de petite ou grande ampleur. Nous devons renforcer les moyens du renseignement dans le respect de la protection de la vie privée de chacun, tant par des moyens traditionnels de proximité que par la lutte contre les cyber-attaques. Une autre des forces majeures de notre pays est son attractivité. Nous sommes, avec 89 millions de visiteurs l’an dernier, la première destination touristique mondiale. Nombre de nos monuments, sites naturels et notre gastronomie sont classés au patrimoine mondial de l’UNESCO. Nous sommes
porteurs d’une exigence culturelle qui assure notre rayonnement. Nous devons le vivre avec simplicité, esprit d’accueil et écoute de l’autre dans sa différence si enrichissante.
Nous sommes un territoire où il fait bon vivre : c’est essentiel pour attirer les touristes, mais c’est également important pour attirer les talents et accroître le développement de la recherche et de l’emploi. Les nouveaux outils du numérique et de la fabrication additive nous ouvrent des perspectives. Nous avons vécu ces trente dernières années des délocalisations par une course effrénée à la taille des
sites et la réduction des coûts de main-d’œuvre. Avec les nouveaux outils de production, nous serons en capacité d’aller vers des unités de plus petite taille et relocalisées ; ce qui est à l’avantage de la France dont la densité est variée, alliant des concentrations métropolitaines et des territoires ruraux.
Notre protection sociale est aussi un atout qui renforce la cohésion nationale et libère chacun des préoccupations basiques centrées sur sa santé et celle des siens, lui permettant de s’investir davantage. La force d’un pays tient dans sa capacité à vivre comme un collectif participatif et créatif.
La réponse à la mondialisation n’est pas à rechercher du côté de l’uniformatisation mais dans l’émulation d’une diversité humaine. La France doit également se doter d’une ambition maritime cohérente avec sa vision du monde et l’état écologique de notre planète. Notre capacité à faire face aux enjeux climatiques, migratoires ou
nourriciers repose pour une large part sur les océans. Nous avons une responsabilité toute particulière, nous ne l’exerçons pas suffisamment.
Notre langue est aussi une force sur laquelle notre pays doit s’appuyer pour inscrire son action dans un réseau d’échanges multiculturels. La France doit œuvrer activement au développement de la Francophonie non dans un esprit néocolonialiste mais avec une volonté vivifiante de partage de destin,
de communauté linguistique et de coopération fructueuse d’identités plurielles.
Inégalités et modèle économique
Notre société est de plus en plus une société à deux vitesses. En France 21 personnes ont amassé autant de fortune que 25 millions de Français ; à l’échelle mondiale cette tendance ne cesse de s’accélérer : il y a 6 ans 388 personnes détenaient autant de fortune que 40 % de la population, il y a 2 ans elles étaient 62, et aujourd’hui seulement 8 ! Le mouvement dans lequel est engagé notre société est mortel. Entre 1980 et 2016 un tiers de la croissance mondiale a été capté par les seuls 1% les plus riches de la planète. Il en résulte que les 10% d’européens les plus riches détiennent 37% de la fortune. Ce chiffre monte à 47% pour l’Amérique du Nord, voire 55% en Inde. Pendant ce temps, la part des richesses de la moitié de la population a baissé de 2 points en Europe descendant à 21% , et de 12 points aux États- Unis tombant à 13%.
En France, sur les trente dernières années, de 1983 à 2013, le revenu des 1% des plus riches a augmenté de 98% quand celui de 90% de la population a baissé légèrement !
Nous ne voulons pas d’une société à deux vitesses.
L’argent créé de la richesse quand elle circule, permet la création de biens et de services pour tous, non pas quand elle est thésaurisée au profit de quelques uns.
Une société où les inégalités vont en s’accentuant est une société vouée à sa perte : il ne peut y avoir pour quelques-uns des salaires toujours plus mirobolants, et pour les autres, sans cesse plus nombreux, des salaires et des retraites qui ne permettent pas de joindre les deux bouts, tandis que d’autres encore sont délaissés dans des voies qui les obligent à l’assistanat contre leur volonté.
Personne ne naît assisté mais le devient à force d’être rejeté par la société.
Il nous faut bâtir une France où chacun a une chance de gagner. Pour cela il faut un projet socialiste qui soutienne la liberté de chacun à créer et fasse tomber le mur
des inégalités. Notre projet a pour finalité d’aider notre société et chacun à s’épanouir. Il doit reposer sur la conviction que l’intérêt général n’est pas l’addition des intérêts particuliers et encore moins celui des seuls puissants.
L’idée selon laquelle il convient de dissoudre les règles pour permettre à des premiers de tirer vers le haut l’ensemble de la cordée est une vision passéiste et erronée. Elle ne sert qu’à justifier toujours plus d’avantages pour quelques-uns au travers notamment d’une baisse drastique de leurs devoirs et impôts. Cela a été mis en œuvre sous l’ère Reagan et Thatcher avec les résultats que l’on connait. La
dette des États a flambé. Celle aujourd’hui cumulée des États de l’OCDE correspond en volume aux dégrèvements additionnés accordés aux plus hauts revenus de ces pays. Le patrimoine public des États s’est étiolé passant de 230% de la dette à 90% de celle-ci. En France et en Allemagne le patrimoine public net est juste positif. En Angleterre et aux USA il est négatif !
Tout au contraire la force d’une chaîne se mesure à celle de son maillon faible. Il nous faut porter un projet innovant, participatif et collaboratif. Notre société évolue. Les solidarités familiales ou corporatistes tendent à se déliter. L’individu se retrouve face à lui-même. On peut le regretter ou rêver de vouloir revenir sur le passé. Cela ne sert à rien. On n’arrête pas la course du monde, on l’infléchit. On invente sa destination.
Les évolutions sociétales et technologiques vont de pair. Le digital est un outil effrayant et formidable de la distance. Il peut diffracter notre société et l’éclater en monades repliées sur elles-mêmes. Il peut tout aussi bien créer des passerelles, créer des liens à distance, faire fructifier un réseau. Il peut aligner chacun dans une pensée unique commercialo-je-m’en-foutiste-désabusée. Il peut tout autant favoriser l’expression de la pluralité des expériences, permettre de les partager, embarquer chacun dans la construction partagée de notre société et insuffler du dynamisme.
Il nous appartient de dire quel présent et quel futur nous voulons. Très clairement notre projet doit créer les conditions d’émergence et de reconnaissance de la diversité. Il doit encourager les coopérations. Il lui faut également inventer de nouvelles solidarités. Nous devons porter un droit nouveau, celui de l’expérimentation et de la création. Il existe déjà un droit à la formation et un congé formation. Il nous faut mettre sur pied un revenu nouveau dit de création, ouvert à chacun de 6 mois à 3 ans fractionnable. Utilisable au cours de sa vie pour accompagner la création de projets. Ce revenu serait inconditionnel et d’un niveau suffisant pour permettre à son bénéficiaire de se consacrer pleinement à son projet. La somme des revenus mensuels ainsi versés serait transcrite dans un compte création sous la forme d’un crédit in fine, sans limite de temps, et à taux zéro. Le bénéficiaire pourrait à son initiative le rembourser partiellement ou totalement et ainsi recréditer ses droits. Le compte serait soldé à la succession pour les patrimoines importants ou liquidé pour les autres.
Il est un autre droit qui, bien qu’inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946, mentionné dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, cité par les lois Quillot de 1982 et Mermaz en 1989, et instauré en 2007 comme droit opposable, reste grandement lettre morte si l’on se réfère au nombre de nos concitoyens sans abri. Certes le sujet est compliqué, mais nous ne pouvons en rester à répéter chaque année les cris d’indignation de l’abbé Pierre à l’hiver 54. Nous devons porter des engagements clairs et précis pour que chacun ait un logement dans le respect de la dignité humaine.
Lutter contre les inégalités passe bien sûr par une fiscalité redistributive. Nous devons clairement porter un projet fiscal universel afin que l’assiette d’imposition soit la plus exhaustive possible incluant les revenus, le patrimoine, la valeur ajoutée, les plus-values, les transactions financières.
A une époque où la robotique et l’informatique réduisent l’activité manœuvrière nous devons libérer la main d’œuvre des charges qui pénalisent l’emploi. Nous devons veiller à une progressivité suffisante de l’impôt pour garantir un niveau suffisant de redistribution. Enfin, nous devons renforcer le rôle incitatif de la panoplie fiscale pour assurer la prise en compte des contraintes environnementales dans les choix d’investissement.
Agir contre les inégalités, c’est aussi faire en sorte que ceux qui sont à la retraite aient les moyens de vivre dignement : artisans, agriculteurs, ouvriers, techniciens et ceux dont le parcours professionnel ne leur a pas permis de cotiser suffisamment. Il est indispensable de revoir certains régimes de retraite, d’augmenter le minimum vieillesse et de revaloriser les petites retraites.
République
Le premier des leviers pour lutter contre les inégalités est l’école de la République. Beaucoup a été fait depuis la 3ème République. Les instituteurs ont été de véritables chevaliers républicains au service du mot égalité écrit sur les frontons de nos mairies. Nous disposons en France d’un système éducatif ouvert à tous, obligatoire et gratuit. Et pourtant notre pays pèche dans les classements internationaux,
non par un moindre niveau d’excellence qui se maintient à très haut niveau, mais par une disparité de niveaux trop forte. Qui plus est, notre système scolaire et universitaire reproduit trop les catégories sociales. Un enfant d’ouvrier, d’agriculteur ou d’employé a beaucoup moins de chances de réussir qu’un enfant de cadre ou de profession libérale. Le phénomène n’est pas nouveau, Pierre Bourdieu le
mettait déjà en évidence. Mais paradoxalement la généralisation du baccalauréat a conforté le phénomène. Pour être clair, la France sait « produire » ses élites mais délaisse trop d’enfants décrocheurs, même si les mesures mises en place sous l’impulsion de Najat Vallaud Belkacem ont permis de ramener ce nombre de jeunes sortant du système scolaire sans qualification à 98 000 en 2016 alors qu’ils étaient 140 000 en 2011.
L’école de la République est également un lieu privilégié d’apprentissage de la vie en collectivité et d’acquisition des bases de l’éducation civique. Les tragiques événements de janvier 2015, et bien d’autres depuis, ont rappelé combien la démocratie, la République et les valeurs humanistes étaient un combat permanent. Elles doivent être défendues contre toutes les menaces violentes ou
sournoises. Mais elles sont aussi une force capable de mettre en mouvement des cohortes libres, mues par la volonté de défendre la liberté d’expression, comme en a témoigné l’impressionnant rassemblement auquel François Hollande avait convié les chefs d’État du monde entier. La pluralité et l’existence d’un débat serein et tolérant sont constitutifs de la démocratie. La République a pour mission de garantir la liberté.
La fraternité est la troisième valeur que porte notre République en bannière. Et pourtant que dire de ces jeunes pour qui un premier échec mineur en appelle un suivant et un suivant, pour qui parfois seul le nom ou le lieu d’habitation est un handicap. Que dire des jeunes en milieu rural qui ont du mal à décrocher leur permis de conduire et qui se trouvent en grande difficulté pour se déplacer et aller
chercher du travail. Une sorte de double peine. Combien d’exemples pourrions-nous citer où par absence d’un soutien ponctuel adapté, voire d’un regard fraternel, notre société engendre des situations durables d’échec, où ce qui n’était qu’un accident de parcours devient une impasse. Que dire de nos territoires qui se sentent délaissés quand se concentrent et se développent dans les métropoles l’activité économique. Et ce n’est pas qu’un sentiment, c’est une réalité tangible. Combien de nos villages et de nos petites villes ont perdu au fil du temps, faute de moyens, ce qui faisait leur
âme : des commerces et une vie active de village. Sans parler de la menace de voir fermer l’école.
Comment notre République peut-elle accepter une telle inégalité territoriale et voir se déliter le tissu de socialité qui faisait la vitalité de nos territoires ?
Surtout que s’ajoute en milieu rural la baisse du nombre de médecins, impliquant un risque réel de désertification médicale. Cela tient moins à l’insuffisance de médecins diplômés qu’aux modes de vie des jeunes médecins qui choisissent leur lieu d’installation en fonction de l’attractivité des territoires.
Cette désertification médicale est une conséquence de la fracture territoriale dont elle aggrave les effets. Et cela impacte les conditions de travail des infirmières, des aides-soignants et de tous les personnels de santé.
Que dire de la justice de la République dont la lenteur des procédures, faute de moyens, est inacceptable. Elle est inacceptable parce celui qui est coupable bénéficie trop longuement de la présomption d’innocence avant de rendre enfin des comptes. Et celui qui est innocent subit pour un temps interminable les affres de la suspicion et de la procédure. Sans parler des conditions inappropriées d’incarcération, tant pour les détenus qui demeurent des hommes et des femmes à traiter avec dignité, que pour les personnels des services pénitentiaires sur les épaules desquels la
République se défausse.
Tout ceci est indigne de la République que nous voulons construire. Pour cela il faut un projet socialiste qui affirme la République des territoires et place l’humain au
cœur de ses préoccupations et de ses orientations. Notre projet doit rendre réelle l’égalité des territoires, garantir la liberté pour toutes et tous, et assurer une fierté et une fraternité véritable et ressentie par chacun de nos concitoyens.
Nous voulons une école de la République qui permet à chacun de réussir en fonction de ses capacités réelles et non des moyens de ses parents. L’Éducation une priorité absolue. Cela passe par l’adaptation des rythmes scolaires, la formation des enseignants et la réaffirmation de l’apprentissage des fondamentaux, savoir lire, écrire, compter. Ce qui suppose impérativement d’apporter un soutien
scolaire adapté à ceux de nos enfants en difficulté scolaire afin qu’ils rattrapent au plus vite les retards pris dans les apprentissages fondamentaux, pour de ne laisser personne de côté, sous peine de conduire aux inadaptations et au délaissement.
Il faut en parallèle accélérer le développement de l’apprentissage et des filières professionnelles.
Chacun doit trouver sa propre voie, les uns sont plus portés sur les apprentissages théoriques, les autres sur les apprentissages pratiques. Nous n’avons aucune raison de privilégier les uns au détriment des autres. Il faut s’extraire d’une pensée unique qui érige une voie royale, classe hiérarchiquement
les filières et conduit à orienter les élèves non en fonction de leur aspiration mais de leur seule aptitude supposée. Cela implique en amont de revaloriser les filières manuelles et techniques. Il faut également localiser les formations au plus près des bassins d’emplois en complément des instituts de formation professionnelle.
Pour ceux de nos concitoyens qui ont rencontré des accidents de la vie ou qui sont confrontés à des difficultés, nous devons multiplier les voies qui leur permettent de sortir dignement de leur situation. Cela implique de multiplier les structures d’insertion adaptées aux personnes qui ont été éloignées du travail, pour qu’elles retrouvent confiance en elles. Et s’agissant des jeunes en situation d’échec
scolaire avéré, il importe de les orienter vers des structures spécialisées disposant des moyens d’une action pédagogique à façon. Nous devons créer et financer ces structures innovantes légères et ouvertes, aptes à redonner confiance à ces jeunes. Il faut cesser de faire de l’échec un engrenage.
Nous devons réaffirmer au sein de la République l’importance des territoires dans leur diversité. Cessons de faire comme si chacun rêvait de vivre dans une grande ville avec des transports en commun ou des bouchons matin et soir. Nous devons penser et construire la France rurale tout autant que la France urbaine, et admettre que la véritable équité réside non dans l’uniformité législative et réglementaire mais dans des approches circonstanciées. La concentration des moyens sur les villes au
cours des trente dernières années a entraîné une régression en milieu rural, perçue à juste titre comme violente. Il nous faut réinventer urgemment les espaces délaissés. S’il est pertinent de penser et de financer les équipements structurants à l’échelle des bassins de vie structurés en Communauté de Communes, détachons-nous d’une approche comptable. Le sujet n’est pas moins de Communes pour
moins de dépenses, mais plus de vie dans chaque Commune. Faisons vivre les écoles dans nos villages, créons les conditions de réimplantation d’un commerce multiservice dans nos centres-bourgs et engageons la revitalisation de centres-villes. Avec la rapidité du développement de l’informatique nombre de nos concitoyens ne sont pas familiers avec Internet. Ne créons pas des fractures numériques dans les territoires. Inventons des solutions de proximité itinérantes. Soyons attachés à la
Commune, lieu de vie et d’histoire partagée, atome de notre République. Avoir dans nos villages et nos petites villes un(e) maire et son équipe municipale disponibles est une force qui contribue à la cohésion des territoires. Nous refusons une République avec des citoyens à deux vitesses, ceux dans les grandes villes qui ont aisément accès aux transports, aux spectacles, aux commerces, et ceux dans les villages et les petites villes qui seraient les parents pauvres de la République.
Pour les territoires frontaliers, soyons imaginatifs. Ils vivent le paradoxe de bassins de vie transfrontaliers avec une juxtaposition de textes nationaux qui tracent au quotidien des frontières juridiques. Osons l’expérimentation réglementaire et évaluons ses effets.
Dans le domaine de la santé, veillons également à ne pas creuser les fractures territoriales. Nos hôpitaux qui évoluent vers des Groupements Hospitaliers de Territoire ont besoin de repenser l’organisation des urgences et de pérenniser l’ensemble des services afin d’éviter aux plus fragiles des patients de coûteux déplacements. Il nous faut penser l’hôpital autour d’une logique centrale
d’humanisation en garantissant pour l’ensemble des soignants des conditions d’exercice dignes et optimales. Pensons l’évolution de la médecine libérale en complémentarité à travers le développement des plateaux techniques, des exercices multisites, des maisons de santé, des réseaux de soins, et veillons à assurer la continuité du parcours de soins.
Œuvrons au maintien à domicile de nos anciens pour préserver leur cadre de vie. Luttons contre l’isolement et la précarité. Abordons avec lucidité le sujet de la dépendance que l’allongement de la durée de la vie rend plus prégnant d’année en année. Il nous faut nationalement mettre en place les conditions solidaires de son financement, et localement veiller à disposer de structures d’accueil pour
maintenir nos anciens à proximité de leur cadre de vie et de leurs enfants. Cela passe par des formations pour les aides-soignants et les auxiliaires de vie. Cela suppose de mieux penser les relations entre les générations et d’inventer des solutions non nécessairement marchandes.
Enfin, osons affronter, par l’ouverture d’un débat éthique et déontologique, les questions de la procréation médicalement assistée que les évolutions sociétales et familiales ouvrent, et celles de la fin de vie en redéfinissant le droit de chacun d’entre nous de mourir dans la dignité.
Dans le domaine de la justice, ouvrons un vaste chantier et donnons-nous les moyens de sa réalisation en acceptant le doublement des moyens alloués à la justice. Le poids budgétaire de celle-ci est suffisamment modeste pour qu’un tel effort, bien que jamais réalisé, soit envisageable. Nous devons poser les bases d’une réduction drastique de la durée des procédures qui tient aujourd’hui moins des
besoins des enquêtes que de l’engorgement des services judiciaires. De même, fixons-nous des objectifs quantifiés et tenons-nous y pour réduire la surpopulation carcérale qui n’est pas digne du pays des droits de l’homme.
La République que nous voulons doit continuer sur le chemin de la lutte contre toute forme de discrimination fondée sur les convictions religieuses, l’orientation sexuelle, les différences d’opinion ou de manière d’être. Nous sommes tous égaux en dignité et en droit. A commencer par la première inégalité contre laquelle nous devons poursuivre la lutte : les inégalités femmes hommes. Cela suppose de continuer à faire évoluer le cadre législatif pour parvenir à l’égalité réelle de salaire entre femmes et hommes. Cela implique de penser les structures d’accueil des enfants, et de faire évoluer les mentalités, les comportements et les pratiques. Et cela nécessite de continuer à renforcer la protection contre les violences faites aux femmes.
Nous avons une responsabilité collective vis-à-vis des personnes en situation de handicap : faire en sorte qu’au handicap physique ou psychique ne s’ajoute pas le handicap social. Cela passe par l’accessibilité des lieux publics et privés. Cela implique que les entreprises, les collectivités et l’État
montrent l’exemple sur l’emploi des personnes en situation de handicap. Cela nécessite suffisamment de structures d’accueil comme les Entreprises adaptées et les Établissements & Services d’Aide par le Travail. Cela requiert aussi que les établissements scolaires soient en capacité d’accueillir les enfants et les jeunes concernés. Nous devons le faire aussi pour la société dans son ensemble, parce que face à leur handicap les personnes développent des aptitudes et des talents dont notre société a besoin. Les sportifs des jeux paralympiques en ont apporté le témoignage. Enfin, nous croyons fondamentalement en la liberté de penser, d’agir, d’entreprendre. C’est la liberté qui fonde l’individu et assure au citoyen ses droits véritables. La République que nous voulons se doit de garantir sans faiblesse le droit à la préservation de la vie privée de chacun, et strictement encadrer
légalement les éventuelles mesures dérogatoires nécessaires à la lutte contre le terrorisme en en confiant le contrôle à la justice.
La République que nous voulons doit enfin assurer la liberté de création culturelle, la protéger et l’encourager en y consacrant les budgets suffisants.
Europe
N’oublions jamais d’où nous venons ni les désastres dans lesquels s’est fracturée l’Europe, entraînant le monde dans la tourmente des deux guerres mondiales. N’oublions pas les intentions des pères de la réconciliation, le Général De Gaulle et le Chancelier Adenauer. N’oublions pas la volonté des pères fondateurs de l’Europe, Jean Monnet ou Robert Schumann. L’Europe est un espace du vivre ensemble entre peuples européens, et le programme ERASMUS ou la monnaie commune qu’est l’Euro sont des moyens d’échanges et de partage. Le marché unique garantit
la libre circulation des personnes et des biens.
Mais cette Europe est insuffisamment protectrice. Pour préserver les avancées que l’Europe a permises et infléchir ses orientations il faut un projet socialiste qui revendique l’Europe des peuples et prône une ouverture protectrice sur le monde.
Notre projet doit s’appuyer sur la réalité d’une Europe première zone mondiale d’échanges et de liberté.
Il nous faut une Europe accueillante sur le monde qui sache protéger ses citoyens des agressions et agresseurs potentiels. La taille réelle de notre marché intérieur et la puissance conjuguée des États qui composent l’Union doivent nous permettre de le faire par une affirmation plus grande sur la scène
internationale de notre volonté commune. Il nous faut relancer la construction européenne en acceptant des intégrations à la carte selon la volonté de chaque État, tout en permettant à ceux qui veulent aller plus loin de le faire.
Il nous faut une Europe qui protège les citoyens et non les multinationales quand elles procèdent à des optimisations fiscales ou des délocalisations. Il nous faut une Europe qui ne soit pas ouverte à tout vent et sans réciprocité vis-à-vis des pays qui pratiquent le dumping social et environnemental. Il nous faut une Europe ouverte, car nous n’avons pas les moyens d’être un îlot hermétique de prospérité et de paix au milieu des vagues migratoires que les désastres environnementaux et les
conflits alimentent massivement. Nous devons nous doter d’une défense européenne qui nous permette de nous projeter sur les champs d’opération pour contribuer à contenir l’ampleur des conflits. Nous devons être exemplaires en matière de lutte contre les dérèglements climatiques, ce qui nous permettra d’être exigeants avec les autres pays, y compris en conditionnant l’accès à notre marché. C’est à cette double condition que nous limiterons les flux migratoires en amont.
Il nous faut une Europe qui fasse progresser la recherche, favorise l’innovation, la création de valeur, et qui implémente nos compétences stratégiques. Nous avons su développer Airbus ou Ariane. Nous devons pouvoir bâtir sur le numérique, sur les solutions environnementales des secteurs industriels d’avenir à la taille européenne. Il nous faut une Europe qui défende nos emplois, nos savoir-faire, nos compétences et les développe. Il nous faut une Europe moins interventionniste afin que chaque territoire puisse développer ses appellations, ses modes de production traditionnelle et vivre librement ses spécificités culturelles.
Conclusion
Le projet que nous portons est plus vaste que les 50 000 caractères qu’il nous est permet d’écrire. Nous avons commis des impasses, raccourci notre pensée. Mais qu’importe puisque le projet que le Parti Socialiste a à porter dans les années à venir ne saurait se réduire à ce Congrès. Au contraire, celui- ci doit être le point de départ d’une démarche ambitieuse d’élaboration de notre corpus idéologique et de notre programme politique, l’amorce d’une volonté farouche de dynamisation de notre force militante, et tracer les prémices de la renaissance du dialogue avec tous les Français.
Nous nous donnons deux années pour réussir ce triple challenge.
Pour restaurer la confiance, nous devons bannir les postures politiciennes qui détournent nos concitoyens du débat politique, écouter leurs attentes de nos concitoyens, répondre à leurs besoins et leur proposer un cap.
Il nous faut commencer par revitaliser notre Parti. Cela passera par une inversion de la pyramide de nos priorités. La personne la plus importante de notre parti se doit d’être le militant. Pour cela il faut faire de nos sections des lieux d’exercice de la démocratie et de vitalité militante dotés de réels moyens. Si le périmètre des sections peut être amené à évoluer pour être pensé à l’aune des bassins de vie et des enjeux électoraux, l’essentiel résidera dans la capacité de chaque section à imprimer une
vie militante régulière, à insuffler des débats, à s’ouvrir au monde associatif local, à embarquer nos élus pour qu’ils rendent compte de leurs mandats devant les militants.
La deuxième personne la plus importante est le sympathisant. Nous devons vivre dans un monde ouvert. Les formes d’engagement sont multiples. Nous devons animer des débats ouverts sur notre environnement, échanger, dialoguer, nous nourrir de la réalité, nous immerger dans les entreprises, les associations, les territoires dont chaque section doit devenir un acteur public et reconnu.
Les fédérations doivent assumer un rôle de mise en réseau des sections, de support militant, de formation, de remontée vers le national. Les instances nationales doivent assurer les conditions d’une mise en dynamique du débat programmatique et garantir à notre Parti une visibilité sur ses idées et sur ses démarches. Le premier
secrétaire devra piloter, animer et garantir la réussite de ce triple challenge sous deux ans. Il veillera à la mise en dynamique en profondeur de notre Parti et se rendra personnellement à cet effet dans chacune des fédérations pour y établir un dialogue direct avec les sections.
La tâche est immense pour refonder notre parti sur des bases de réflexions et de pratiques collectives. Il nous faut inventer de nouveaux modèles en prise directe avec les évolutions sociétales. Il nous faut proposer du concret avec un programme qui donne un chemin réaliste et compréhensible, et pas seulement une direction.
Nous voulons un Projet Socialiste qui soit transformationnel et place l’humain au cœur pour construire aujourd’hui, inventer demain et proposer à nos concitoyens un véritable élan porteur de sens et d’espérances concrètes.
Il nous faut porter un vrai projet de société humaniste et progressiste.
Didier Guénin (41) Kadejat Dahou (45)
Contact : dguenin41@gmail.com